Lettre ouverte au CONSEIL DEPARTEMENTAL

 

Lettre d’information :

 

 

 

Ceci est un message d’alerte exprimé par des techniciens de l’arbre dans une démarche environnementale et de citoyenneté :

 

 

 

En septembre dernier, une vaste campagne d'élagage sur les bords des routes départementales de la Corrèze a été lancée dans le but de passer la fibre en aérien et d’amoindrir les coûts d'entretien des routes. Ceci est tout à l'honneur du Conseil Départemental mais un point extrêmement important a été négligé: l'Arbre.

 

 

 

En effet, aucun professionnel de l'Arbre (arboriste) n’a été contacté pour le projet. Un simple schéma de taille a été envoyé à 28000 propriétaires de parcelles. Nous naviguons (professionnels et clients) dans un brouillard épais car aucune recommandation en terme de taille respectueuse de l’arbre et de son environnement n’a été transmise par le Département. Nous nous inquiétons non seulement de l’aspect esthétique des abords des routes corréziennes mais aussi de l’intérêt patrimonial, historique, touristique et écologique que le végétal représente dans notre département. Nous sommes dans un flou total concernant les arbres qui tirent avantage de règles particulières. (Alignement, loi trentenaire, arbres remarquables…). Nous nous sentons engagés avec de fortes contraintes, sans que le dialogue ne se soit installé, entre professionnels et meneurs de projet, concernant ce qui est bon ou non pour l’arbre.

 

Il nous semble important que les professionnels de l'arbre soient associés au projet avec les élus afin d'établir un consensus et de dresser un plan d’élagage de bord de route respectable de l’arbre et pérenne pour les usagers. Construisons-nous des buildings sans faire appel à un architecte? Construisons-nous des murs de soutènement sans faire appel à un maçon? Peut-on prendre l'initiative de dire comment il faut tailler sans avoir demandé l'avis d'un arboriste?

 

 

 

Avec de telles pratiques de taille (taille drastique et abattage systématique), les abords de routes de la Corrèze vont ressembler à un véritable champ de bataille du végétal, sans parler des nombreuses parcelles qui seront entièrement abattues car les propriétaires n'auront pas les moyens d'investir dans l'élagage et préféreront les vendre. Car, en effet, les frais d'élagage reviennent à la charge des propriétaires et des mises en demeure seront établies.

 

 

 

La résultante de ce genre de taille préconisé par le département (mise en aplomb catégorique) affecte considérablement l'arbre et ceci de manière irréparable. La partie aérienne d’un arbre et le reflet de la partie souterraine. Ce que l’on enlève en hauteur s’enlèvera dans le sol. Alors le fait d’en retirer la moitié sera d’un tel choc que cela va conduire à des dérèglements hormonaux et à l’abandon d’une énorme partie du système racinaire. Des rejets traumatiques (nouvelles branches) vont se former pour reconstituer une masse foliaire importante dont l’arbre ne peut se passer. Cependant ces rejets seront mal ancrés et un risque de casse importante va éclore en très peu de temps. Par conséquent, l’état général de l’arbre va en pâtir, son ancrage sera affaibli, des parasites (champignons, insectes) s'installeront ainsi qu'une anarchie architecturale dans sa partie aérienne. La grande résultante sera que nous aurons rendu dangereux un arbre sain de bord de route.

 

 

 

Se pose alors la question d'un engagement en termes de responsabilités. Au delà d'une responsabilité environnementale, l'arbre devenu dangereux, les bordures déstabilisées, les talus érodés dus au pourrissement du système racinaire des arbres, sont autant de sources d’inquiétude. Qui dans le futur en sera responsable en cas d'accident ? Le propriétaire de l'arbre ou du terrain? Les personnes ayant réalisé les tailles drastiques ou les abattages systématiques? Ou les responsables du projet ?

 

 

 

D’un point de vue économique, nous savons par expérience que la durabilité de ces préconisations de taille est une illusion. En effet les nombres importants de rejets qui vont se créer sur les moitiés de tronc laissé côté route vont grandir de manière importante (en exemple un rejet sur un Tilleul peu atteindre 1m de pousse en un an). Ce qui laisse bien sûr à penser que d’ici 3 ans il sera impossible de passer la fibre sans un nouvel entretien. Et pour la fibre mise en place, qui alors prendra la charge financière de refaire tailler ces rejets frottant la ligne ? Et cela tous les deux à trois ans.

 

 

 

Notre métier (arboriste grimpeur) est inscrit dans un contexte délicat car il n'est pas directement reconnu. Aucune formation approfondie dans la biologie, la gestion et la physiologie des arbres n'est obligatoire pour exercer. De ce fait, des personnes, non pas mal intentionnées mais non formées, exercent et réalisent le travail demandé sans connaître réellement les répercussions de leurs actes. Voici maintenant plus de quinze ans que les arboristes corréziens luttent pour que les bonnes pratiques de taille des arbres soient respectées et reconnues en Corrèze. Cela commence à porter ces fruits. Alors, il nous semble, qu'au-delà même de l'importance des mauvaises tailles préconisées par le département, c'est tout un corps de métier qui est indirectement touché par le nom respect du combat mené par la profession pour que les bonnes pratiques rentrent dans les mœurs.

 

 

 

Malgré une réunion avec certains élus du Conseil Départemental, pour prévenir des résultantes de leur projet de taille, et une lettre ouverte de la Société Française d'Arboriculture et de Corrèze Environnement remise au Département afin de demander un moratoire, aucun signe de préoccupation de leur part n'a malheureusement vu le jour.

 

 

 

En tant que professionnels de l'arbre (arboristes grimpeurs) nous refusons de réaliser ces chantiers par conscience professionnelle et par respect du végétal. Car d'autres solutions de taille existent pour parvenir à faire cohabiter l'arbre et les désirs du Département en matière d'élagage. Nous ne dénigrons absolument pas le fait qu'il y ait du travail et de l'entretien à réaliser sur nos routes. Cependant, nous voulons que ces travaux rentrent dans le cadre d'un travail correctement réalisé, cohérent, durable et raisonné.

 

 

 

Pour toutes ces raisons, nous demandons un moratoire à effet immédiat afin de pouvoir entrer en relation avec les responsables pour guider le projet dans le sens d'un développement durable des entretiens de bordures et afin que les tailles soient réalisées dans un cadre de pratique respectueuse du végétal sans que cela dénature l'aspect de nos routes qui appartiennent pleinement au patrimoine de la Corrèze.

 

 

 

 

 

Les professionnels arboristes Corréziens.